Le Grand Conseil vaudois a accepté mardi de justesse une pétition en faveur du maintien des chalets de la Grande Cariçaie, sur la rive sud du lac de Neuchâtel. La question de leur démantèlement fait débat depuis plusieurs dizaines d’années dans les cantons de Vaud et Fribourg. Le Parlement a formellement renvoyé cette pétition au Conseil d’Etat, par 63 voix contre 62 et une abstention. Le vote est intervenu après un débat nourri. Les députés « Libres » étaient partagés. Voici le point de vue de Serge Melly contre la pétition et celui de Jérôme Christen, favorable à la pétition.
Dura Lex Sed Lex !
Il n’y a rien à ajouter !
Les constructions sont illégales depuis des lustres ; il faut donc savoir si l’on est prêt à appliquer les législations de manière variable ou pas.
C’est d’ailleurs curieux que le rapport de minorité soit signé par le représentant d’un parti qui, en d’autres circonstances, a toujours exigé l’application stricte du droit.
Assouplissement, compréhension, mansuétude pour des casbas, mais pas pour des êtres humains !
Et pourtant ! On ne peut pas, à la fois, fustiger des requérants qui ont pris racine depuis quelquefois des dizaines d’années, sous prétexte qu’ils connaissaient les conditions de leur présence chez nous et défendre des propriétaires qui prétendent eux aussi avoir pris racine, alors qu’ils connaissent depuis toujours les conditions de leur présence sur une rive reconnue fédérale, et même européenne au plan ornithologique.
Hors-la-loi, ces verrues doivent disparaître, un point c’est tout ! Il ne faut donc pas donner de feux espoirs aux pétionnaires et voter le rapport de majorité.
Serge Melly
Ces chalets font partie de notre patrimoine
Interdire à l’homo sapiens de vivre en harmonie avec la nature. Que doit-on comprendre au travers du discours tenu par ceux qui aujourd’hui vous proposent de rejeter la pétition qui nous est soumise ?
Interdire plutôt que de fixer des règles pour remédier à quelques abus et admettre que ce qui est construit dans l’esprit des lieux pourrait être conservé, parce que ces constructions font partie de notre histoire.
Après au moins vingt ans d’échecs, le problème des chalets des rives sud du Lac de Neuchâtel n’est toujours plus résolu et n’est pas près de se résoudre. Peut-on imaginer pratiquement déloger de braves personnes, pour une très large majorité respectueuses de leur environnement ? Si en quatre ans, on prend racine, que faut-il dire pour 100 ans ? Vingt ans d’échecs, c’est donc bien la preuve que la voie choisie est la mauvaise. La réalité, c’est qu’on peut bien tenir toutes sortes de discours prétendus écologistes, mais que pratiquement les mesures de délogement sont tellement absurdes qu’elles sont difficilement soutenables et applicables.
Sur les rives sud du Lac de Neuchâtel, la nature se porte bien. La Grande Cariçaie n’a cessé de se développer. Alors certes, il y a eu de rares abus avec quelques constructions qui n’ont rien à voir avec de modestes chalets ou cabanes. Et c’est là qu’il convient d’intervenir pour éradiquer quelques dérives qui n’ont rien à voir avec l’esprit des lieux que j’évoquais en début d’intervention.
Mais ces constructions ne font-elles pas aujourd’hui partie du paysage ? Elles s’y sont fondues et témoignent d’une remarquable intégration. La question est donc légitime. Mais jusqu’ici elle ne s’est jamais posée en ces termes. Il serait peut-être temps de l’examiner sous cette angle. A un moment où l’on s’apprête à procéder à une extension de la notion de patrimoine bâti à des témoins d’un époque qui font partie de notre histoire, comment peut-on soutenir que cet ensemble construit ne corresponde pas à cette nouvelle définition du patrimoine matériel comme immatériel d’ailleurs. Ces chalets racontent une histoire, notre histoire, au même titre que les capites dans les vignes de Lavaux ou de nos alpages de montagne.
Voilà plusieurs décennies que les gouvernements qui se sont succédés se sont engagés sur une voie qui n’a jamais abouti. Il est temps de prendre un peu de recul, de faire une pesée d’intérêts et de réfléchir à une autre issue, à un consensus qui pourrait satisfaire chacun. Il n’y aucun déshonneur à cela. Beaucoup de choses changent, les contextes évoluent.
Les succès remporté par la pétition le démontre. Etes-vous prêt, à gauche de cet hémicycle, à écarter d’un revers de main une demande de réexamen de la situation soutenue pour plus de 10’000 personnes, après avoir dénoncé il y a deux semaines le mépris affiché par la majorité de ce parlement pour les plus de 10’000 personnes ayant signé la pétition de Sangar Ahmad.
Un oui aujourd’hui n’engage qu’à un réexamen de la situation, qu’à une nouvelle réflexion visant à trouver une orientation alors que celle choisie n’a connu que des échecs. La pétition, c’est un droit sacré du peuple qu’il serait indécent d’écarter à ce stade de la procédure.
Jérôme Christen