Le parlement vaudois a entamé mardi un débat sur l’institution d’un Conseil de la magistrature qui vise à créer un organe dépolitisé en charge à la fois de surveiller le bon fonctionnement de l’ensemble de l’appareil judiciaire et de nommer les juges cantonaux. Le projet est en cours d’élaboration depuis des années. L’UDC, Ensemble à gauche/POP des Libres et une minorité du PLR s’y sont opposés sans contester la réforme dans son principe, mais sur sa forme. L’entrée en matière a fini par être acceptée par 79 voix contre 43 et 5 abstentions. Le président du groupe des Libres, Jérôme Christen, a exprimé ses craintes : «Le parlement n’aura plus de contact direct avec l’ordre judiciaire, ce Conseil de la magistrature sera une forme de barrage entre le pouvoir judiciaire et le Grand Conseil. Nous sommes conscients que l’indépendance des deux pouvoirs n’est pas optimale avec le système actuel, mais là, on va passer d’un «copinage politique» à un «copinage judiciaire.»
Le parlement vaudois a entamé mardi un débat sur l’institution d’un Conseil de la magistrature qui vise à créer un organe dépolitisé en charge à la fois de surveiller le bon fonctionnement de l’ensemble de l’appareil judiciaire et de nommer les juges cantonaux

Dossier préparé par Circé Barbezat Fuchs

Voici la déclaration intégrale de Jérôme Christen au nom des Libres

« Nous admettons qu’il manque un système de surveillance disciplinaire sur les magistrats de l’Ordre judiciaire et du Ministère public du Canton de Vaud. Nous ne nous opposons donc pas, au principe d’une réforme des institutions actuelles sur ce point. De même, nous ne sommes pas opposés à une refonte des commissions parlementaires en lien avec le pouvoir judiciaire ni à une simplification des organes concernés. Nous sommes conscients que la relation actuelle entre pouvoir politique et pouvoir judiciaire n’est pas parfaite et ne garantit pas une indépendance totale des deux pouvoirs mais nous ne sommes pas du tout certains que l’avant-projet résolve le problème ; nous estimons, au contraire, qu’il en crée d’autres. L’impression laissée par l’avant-projet est que le problème est déplacé, en passant d’un risque de « copinage » politique à un potentiel « copinage » judiciaire.

Le Conseil de la magistrature, tel que proposé, donne l’impression de vouloir priver le Grand Conseil de sa mission de Haute surveillance du Tribunal cantonal ainsi que de son rôle lors de l’élection et de la réélection des juges cantonaux; en effet, ces organes ne conservent, selon l’avant-projet, qu’un rôle de façade, superficiel, tandis que le Conseil de la magistrature deviendrait l’organe-clé de sélection, de surveillance et de recours. Il est important ici de rappeler que cette innovation représenterait l’un des plus grands changements de notre Constitution du 14 avril 2003, par la modification de ses articles 107 et 131. Cela bouleverserait très clairement le rapport entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire puisque le Parlement n’aurait plus de contact aussi direct avec l’Ordre judiciaire vaudois mais devrait se servir d’un intermédiaire, intitulé « Conseil de la Magistrature ».
1. La composition du Conseil de la magistrature et les modalités de sélection : il s’agit d’un cercle fermé composé de magistrats. Le projet de la commission aggrave même la situation avec un avocat en plus et un représentant du parlement en moins.
2. La présidence tenue par un magistrat élu pendant 10 ans (deux mandats), son secrétariat tenu par du personnel du Service juridique de la Direction générale des affaires instiutionnelles et des communes avec donc un problème d’indépendance.
3. Les compétences et champs d’action du Conseil de la magistrature : il lui est octroyé de hautes responsabilités, le rôle de la commission de présentation du Grand Conseil serait très restreint. La Commission de Haute surveillance n’exercerait que sur la base d’un rapport établi par le Conseil de la magistrature. Ainsi, le Conseil de la magistrature serait une forme de barrage entre le Grand Conseil et le l‘ordre judiciaire.
Dans ce contexte, le groupe des Libres refusera l’entrée en matière en émettant le vœu que le Conseil d’Etat revienne avec un projet adapté.